Caloforté, Sardaigne, le 11 novembre,

Moi qui ai toujours eu du mal à croire en la réalité des choses voilà que la terre est devenue changeante autour de ma maison. 
Etrange sensation que d'être parti sans avoir déménagé.

Cet après-midi nous avons rencontré une vieille femme qui balayait un coin de rue devant sa porte. Elle parlait vite et je ne comprenais presque rien, pourtant il me semblait ne pas avoir quitté Marseille.

Elle me récitait la complainte du monde, son père est mort, sa mère est morte, ses enfants sont partis, qu'est-ce qu'elle peut faire ? Elle me regardait droit dans les yeux en se parlant à elle-même, sans voir que je ne comprenais rien. J'entendais à travers cette vieille femme le murmure de la terre, la complainte éternelle.
Au-delà d'une vallée verdoyante dans un paysage désertique, de la chaleur et de l'humanité des "passegiate", des navigations, de tous ce qui construit notre vie nomade, j'ai l'étrange et irréel sentiment d'être immobile.
Comme si la terre s'était mise à tourner sous moi.

Cagliari, le 16 novembre,
Ferme les yeux et regarde l'amphithéâtre de Cagliari ;
Pierre blanche taillée dans la colline, avec des herbes folles dans chaque anfractuosité de la roche ; Le ciel est bleu, le soleil est bas, les éternels chiens jaunes se promènent ;

Ecoute François Plume d'Ange raconter une histoire :
"Sur le Théâtre des Rêves Inachevés, se dresse la silhouette du Prince des Nuées qui embrase le ciel, le soleil, la terre.
Comme il est tendre et beau cet enfant des étoiles que le vent a déposé sous mes yeux un soir de septembre, une chanson sur le bout des lèvres, des sourires plein les yeux. Dans l'ennui profond d'un hiver ténébreux il a poussé une page."
 
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